samedi 26 mars 2011

La mort du voisin



Anonyme du dix-septième


A monsieur Leyninger

Réverbères branlants aux rues de nos mémoires,
Vos yeux sont les judas sur des ciels à venir;
Vos mains nouées se tendent comme des menhirs;
Des floraisons fanées embaument vos armoires...

Témoins d' anciens chaos, vous êtes l' éperon
Qui de tous nos excès pourraient tirer l'alarme..
La lenteur empesée de vos gestes désarme...

D' ébréchés bibelots,d' étoilés napperons
Ornent le bois grinçant de vos rustiques meubles;
Les vases sont fêlés comme voix qui s' éraille.
La souffrance en vos rides peut se lire en braille,
L' âge sculpte vos peaux comme une glaise meuble.

Vos paroles ont l'or de l' automne des saules,
Chrysostome oeil d' Horus, votre bouche a puisé
A tout arbre de vie une sève épuisée
Dont la croix de douleur pèse sur vos épaules.

Maudit qui vous ignore, impie qui vous méprise,
Il fait un sacrilège à son propre tombeau,
Comme Isis j' aimerais rassembler les lambeaux
Des éclats dispersés de vos joies incomprises.