samedi 5 février 2011

Partie d' échecs



Fagan.

Petite armée de pions, rangée pour la bataille,
Qu' importe la couleur, vous finirez hors-jeu,
C' est le rôle échu à l' anonyme piétaille:
Se sacrifier aux grands dont on n' est que l' enjeu.

Va l' amble, cavalier, en bonds imprévisibles,
Obstacles surmontés, embuscades tendues,
Epie de l' ennemi les stratégies risibles,
Frappe d' un fier sabot les ruses pourfendues.

Toi, beauté élevée au choeur des tours d' ivoire,
Marche droit sans détours; tes formes épurées
Font reculer la trame des intentions noires,
Va chasser l' adversaire en ta sainte curée.

Fantaisie provocante, arrogance infernale,
Oracle aux intuitions si vraie des fins limiers,
Le fou et son génie détourne en diagonale
L' ordre manichéen du fragile damier.

Qui du roi de la reine ira tôt se coucher?
Lequel tient la partie et qui l' autre protège?
Lequel se crut subtil qui fut vite mouché?
Est- ce un pion qui vaincra quand les lignes s'allègent?

Pas un hors du tracé qui à la vie renaisse?
Pourtant les simulacres ne sont pas inquiets:
De case en case ils vont, eux - mêmes se connaissent...
Si le monde était simple comme un échiquier!